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QPC. Mineurs protégés (vendredi 14 septembre 2018)

QPC

Obligation d’information envers le curateur ou le tuteur des majeurs protégés en cas de garde à vue de ces derniers et c’est dans l’immédiat

Le Conseil constitutionnel a décidé le 14 septembre 2018 que le premier alinéa de l’article 706-113 du Code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, en tant qu’il n’impose pas au procureur de la République d’aviser immédiatement le curateur ou le tuteur d’un mineur protégé en cas de décision de garder à vue celui-ci, est contraire à la Constitution[1].

 

« Toutefois, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n’imposent aux autorités policières ou judiciaires de rechercher, dès le début de la garde à vue, si la personne entendue est placée sous curatelle ou sous tutelle et d’informer alors son représentant de la mesure dont elle fait l’objet. Ainsi, dans le cas où il n’a pas demandé à ce que son curateur ou son tuteur soit prévenu, le majeur protégé peut être dans l’incapacité d’exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles. Il est alors susceptible d’opérer des choix contraires à ses intérêts, au regard notamment de l’exercice de son droit de s’entretenir avec un avocat et d’être assisté par lui au cours de ses auditions et confrontations.[2] »

« Dès lors, en ne prévoyant pas, lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d'une personne font apparaître qu’elle fait l’objet d'une mesure de protection juridique, que l’officier de police judiciaire ou l’autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle se déroule la garde à vue soit, en principe, tenu d’avertir son curateur ou son tuteur afin de lui permettre d’être assistée dans l’exercice de ses droits, les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense.[3] »

« Par suite, le premier alinéa de l’article 706-113 du code de procédure pénale doit être déclaré contraire à la Constitution.[4] »

Cette déclaration d’inconstitutionnalité s’appliquera à compter du 1er octobre 2019 car, selon le Conseil constitutionnel, « l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait notamment pour effet de supprimer l’obligation pour le procureur de la République et le juge d’instruction d’aviser le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, en cas de poursuites pénales à l’encontre d’un majeur protégé. Elle entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives.[5] »

Le Conseil constitutionnel n’a pas appliqué sa jurisprudence esquissée dans la décision n° 2016-543 QPC du 24 mai 2016 (§§. 20-21) où il a fait usage tant de la gomme que du crayon. Au regard de cette jurisprudence, il n’aurait pas été illogique que le Conseil constitutionnel prenne le crayon ici en imposant que le curateur ou le tuteur d’un mineur protégé soit informé dès l’instant qu’est envisagé le placement en garde à vue de celui-ci tout en renvoyant l’abrogation de la disposition déclarée contraire à la Constitution dans le futur, compte tenu notamment de la gravité de l’atteinte portée au droit de la défense des mineurs protégés. Mais ce n’est pas la voie choisie par le Conseil constitutionnel. Dans ces conditions, où le Conseil constitutionnel fait un usage ambivalent de cette jurisprudence, celle-ci paraît assez incohérente, si bien que l’on a du mal à comprendre dans quelle situation exactement le Conseil constitutionnel peut ou non en faire usage. C’est le principe de sécurité juridique lui-même qui en prend un coup.


[1] Décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018, §§. 8, 9, 10. M. Mehdi K. [Absence d’obligation légale d’aviser le tuteur ou le curateur d’un majeur protégé de son placement en garde à vue].

[2] Ibid., §. 8.

[3] Ibid., §. 9.

[4] Ibid., §. 10.

[5] Ibid., §. 12.

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