La politisation du Conseil constitutionnel est en marche

LA POLITISATION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL EST EN MARCHE

Point de vue

À quoi bon être favorable à la suppression des anciens présidents de la République comme membres de droit et à vie du Conseil constitutionnel[1] si c’est pour y nommer en masse des hommes politiques (anciens premiers ministres, ministres, sénateurs, députés, etc.) ? N’est-ce pas incohérent ? 

Pour La République en marche, rejointe par Les Républicains, il n’y a nulle incohérence. 

En effet, pour le remplacement des trois membres du Conseil constitutionnel dont le mandat arrive à expiration le 11 mars 2019, le choix des autorités de nomination, à savoir le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du sénat[2], est porté sur trois anciens hommes politiques au risque de fragiliser davantage la légitimité de l’institution et au mépris de toute exigence de compétences juridiques, d’indépendance et d’impartialité d’une écrasante majorité de ses membres.

Le président de République, Emmanuel Macron, a proposé Jacques Mézard, qui n’est autre que son ancien ministre de la cohésion des territoires de juin 2017 à octobre 2018 ; le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, a dirigé son choix vers l’ancien Premier ministre Alain Juppé ; quant au président du Sénat, Gérard Larcher, il y a proposé son confrère sénateur actuellement en exercice François Pillet.

Trois ans plus tôt, en 2015, François Hollande y avait nommé l’ancien Premier ministre Lionel Jospin pour terminer le mandat de Jacques Barrot décédé en fonction, puis, en 2016, un autre ancien Premier ministre, Laurent Fabius, actuel président de l’institution.

On voit bien, par ces éléments très démonstratifs, que la politisation du Conseil constitutionnel est bien en marche, même en marche forcée depuis au moins le règne présidentiel de François Hollande.

Alors est-on en marche vers le progrès démocratique ou vers l’obscurantisme d’antan ? Il semble que l’on est plus proche de la seconde hypothèse.

Ces nominations politiques à venir ont-elles pour objectif de réunir les conditions de validation d’une révision de la Constitution par la voie de son article 11 ? Rien n’interdit de le penser ; et même tous les signaux semblent permettre cette réflexion compte tenu notamment des débats actuels entre juristes constitutionnalistes dans le sillage du mouvement des gilets jaunes. Sur ce point, si certains auteurs réfutent péremptoirement la possibilité de réviser la Constitution par son article 11[3], d’autres, plus sérieusement et de manière plus convaincante, en pensent différemment[4]. En effet, comment admettre l’élection du président de la République au suffrage universel direct comme une réalité du droit positif alors que l’on rejette dans le même temps la manière dont ce système d’élection présidentielle a été approuvé par référendum en 1962 ?

Enfin, si, avec François Hollande, la politisation du Conseil constitutionnel c’était « maintenant », avec Emmanuel Macron, c’est encore mieux, elle est en marche forcée. Vivement l’avènement d’une nouvelle Constitution plus démocratique pour limiter ces débats juridiques sans fin pendant que la République brûle et se déchire en mille et une morceaux.

Serge SURIN

Samedi 16 février 2019

 

[1] Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, répétée maintes fois par la suite.

[2] V. art. 56, al. 1er, de la Constitution.

[3] Denys de Béchillon, « Pour en finir avec le (fantasme du) référendum constituant », Le Point, 13 février 2019, https://www.lepoint.fr/debats/bechillon-pour-en-finir-avec-le-fantasme-du-referendum-constituant-13-02-2019-2292938_2.php, Consulté le 13 février 2019.

[4] David Mongoin, « Pour en finir avec le (fantasme du) constitutionnalisme dogmatique », JP Blog, Février 2019, http://blog.juspoliticum.com/2019/02/15/pour-en-finir-avec-le-fantasme-du-constitutionnalisme-dogmatique-par-david-mongoin/, Consulté le 16 février 2019.

Ajouter un commentaire