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Election de M. Valls, au-delà de la validation

Manuel valls depute par une election teintee d irregularites flagrantesManuel valls depute par une election teintee d irregularites flagrantes (28.68 Ko)

MANUEL VALLS : UN DÉPUTÉ À L’ÉLECTION TEINTÉE D’IRRÉGULARITÉS FLAGRANTES

Quelques brèves analyses de la Décision n° 2017-5074/5089 AN du 8 décembre 2017 du Conseil constitutionnel

BRÈVE INTRODUCTION

I. DES IRRÉGULARITÉS BEL ET BIEN CONSTATÉES

A. Des irrégularités constatées au nombre de cinq

B. Des conclusions hâtives

II. UNE DÉCISION CRITIQUABLE

A. Des critiques nées de l’exercice limité du pouvoir d’enquête du Conseil constitutionnel

B. Des critiques fondées sur le rejet pure et simple de la requête

CONCLUSION

 

BRÈVE INTRODUCTION

 

Il n’est pas d’élections nationales (présidentielles ou législatives) dont l’issue ne donne pas lieu à des saisines du Conseil constitutionnel sur le fondement de griefs tirés de l’irrégularité, sinon de l’ensemble du scrutin dans un ou plusieurs bureaux de vote, du moins de certains faits jugés comme irréguliers. Ainsi, comme de coutume, les dernières élections présidentielles et législatives d’avril et mai 2017 (présidentielles), de juin 2017 (législatives pour l’élection des députés) et de septembre 2017 (sénatoriales) ont donné lieu à de nombreux recours devant le Conseil constitutionnel.

Parmi ces recours, l’un fut particulièrement médiatisé. Il s’agit du recours de la candidate de La France insoumise (LFI), Farida Amrani, entre autres, contestant la régularité de l’élection de l’ancien Premier ministre, M. Manuel Valls. La décision du Conseil constitutionnel rendue ce vendredi 8 décembre 2017 dans cette affaire[1] fut particulièrement attendue, l’écho dont celle-ci a fait l’objet dans la presse depuis le 18 juin 2017 en témoigne. C’est dans ce cadre que le commentaire de cette décision en particulier, parmi de nombreuses autres, s’avère intéressant.

La décision rendue par le Conseil constitutionnel dans cette affaire est d’autant plus intéressante qu’elle a suscité près de six mois d’étude de la part de l’institution de la rue de Montpensier ; c’est d’ailleurs en cela qu’elle appelle une analyse qui sort de l’ordinaire. En effet, si l’on regarde avec attention les faits irréguliers qui y sont constatés, les analyses qui y sont faites et les conclusions qui en sont tirées, il n’y aucun doute que l’élection de M. Valls le 18 juin 2017 comme député de la 1ère circonscription du Département de l’Essonne n’est pas nette de tout soupçon et que la décision du Conseil constitutionnel, elle-même, n’est pas exempte de toute critique.

D’une part, on remarquera que la décision du Conseil constitutionnel fait état de plusieurs irrégularités du scrutin sans en tirer les conclusions qui pouvaient utilement en être attendues (I), ce qui, d’autre part, suscite de nombreuses critiques de cette décision (II).

  1. DES IRRÉGULARITÉS BEL ET BIEN CONSTATÉES

 

Si cette décision n° 2017-5074/5089 AN du Conseil constitutionnel valide l’élection de M. Valls, il n’en demeure pas moins que l’institution a soulevé certaines irrégularités constatées lors de la tenue du scrutin (A). Pourtant, de manière aussi illogique qu’incompréhensible, le Conseil n’a tiré que des conclusions hâtives de ces irrégularités (B).

  1. Des irrégularités constatées au nombre de cinq

 

D’abord, le Conseil constitutionnel soulève que les requérants « soutiennent ensuite que dans le bureau de vote n° 4 de la commune d'Évry siégeait un agent communal désigné comme assesseur en sa qualité d'électeur de la commune sans que des assesseurs aient d'abord été recherchés, en supplément des assesseurs désignés par les candidats, parmi les conseillers municipaux, dans l’ordre du tableau, comme le prescrit l’article R. 44 du code électoral[2] » et conclut que « les requérants n’apportent aucune précision sur les fraudes et les atteintes à la sincérité du scrutin que cette irrégularité, à la supposer avérée, aurait permises.[3] »

Ensuite, l’institution de la rue de Montpensier note : « Les requérants produisent aussi des attestations des personnes désignées comme assesseurs par la candidate pour les bureaux de vote nos 1 et 6 de la même commune, selon lesquelles elles n’auraient pas été appelées à signer le procès-verbal du bureau de vote malgré leur présence à l’ouverture et à la clôture du scrutin, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 67 du code électoral. Il est également soutenu que dans le bureau de vote n° 1, l’assesseure désignée par la candidate n’aurait été appelée à exercer aucune des tâches des membres du bureau. Il n’est cependant ni établi ni même allégué que ces faits, à les supposer avérés, auraient empêché ces personnes de suivre les opérations de vote pour le compte de la candidate ou auraient porté atteinte à la véracité des mentions du procès-verbal.[4] »

En troisième lieu, le juridiction constitutionnelle constate qu’« Aucun des autres faits décrits par les requérants en ce qui concerne les opérations de vote et de dépouillement dans ce même bureau n° 6, à les supposer établis, ne révèle de manquement aux prescriptions du code électoral.[5] »

Par ailleurs, la Haute juridiction confirme que « si les requérants soutiennent que dans certains cas, la signature apposée sur la liste d’émargement au second tour à l’encre couvrirait une esquisse ou une première signature tracée au crayon, il résulte de l’examen des listes électorales dans le cadre de l’instruction que ce fait n’est établi que pour un seul des 31 électeurs qu’ils désignent précisément[6] », mais conclut curieusement qu’il « ne révèle par lui-même aucune irrégularité.[7] »

Enfin, le juge de l’aile gauche du Palais Royal note : « D’autre part, si les requérants indiquent contester l’authenticité de la signature de 110 électeurs portée sur les listes d’émargement de plusieurs bureaux de vote de la commune d’Évry et d’un bureau de vote de la commune de Corbeil-Essonnes au second tour en raison des différences qu’elle présente avec leur signature au premier tour, ils n’en désignent précisément que 108. Il résulte de l’instruction, notamment de l’examen des listes d’émargement des bureaux de vote en cause, que, dans au moins 42 cas, les différences alléguées ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l’un des deux tours, ou à la circonstance que l’électeur a utilisé successivement un paraphe ou sa signature ou encore, pour les femmes mariées, leur nom de famille ou leur nom d’usage, ou bien s’expliquent, ainsi qu’en a formellement attesté une des électrices, par un problème de santé survenu entre les deux tours et l’ayant contrainte à signer d’une autre main. En revanche, 66 votes, correspondant à des différences de signature significatives doivent être regardés comme irrégulièrement exprimés. Ces suffrages irréguliers restant en nombre inférieur à l’écart de voix entre les deux candidats du second tour, cette irrégularité ne saurait conduire à l’annulation des opérations électorales.[8] »

Si ces différents passages de la décision du Conseil constitutionnel sont intéressants du fait notamment des irrégularités qu’ils relatent, cette décision frappe également par les conclusions assez hâtives qui en sont tirées.

  1. Des conclusions hâtives

 

En effet, à la lecture des différents paragraphes de la décision du Conseil sus-rappelés, il s’avère que les conclusions de celui-ci sont un peu hâtives. Deux éléments témoignent particulièrement et manifestement le caractère hâtif de ces conclusions tirées par le Conseil. D’une part, la formule « à supposer… » employée aux paragraphes 9, 10 et 11 et, d’autre part, l’absence de conséquence de l’irrégularité de l’expression de 66 votes qui a conduit le Conseil à déclarer simplement que « cette irrégularité ne saurait conduire à l’annulation des opérations électorales. »

Ce dernier point de la décision est suffisamment traumatisant pour en susciter quelques critiques de la décision du Conseil constitutionnel.

  1. UNE DÉCISION CRITIQUABLE

 

Cette décision permet de mettre au jour l’étendue de la compétence du Conseil constitutionnel dans le contentieux électoral qui lui est conférée par la Constitution (A) au regard du rejet pure et simple de la requête visant à l’invalidation de l’élection de M. Valls (B).

  1. Des critiques nées de l’exercice limité du pouvoir d’enquête du Conseil constitutionnel

 

Tout juge, quel que soit son niveau dans la hiérarchie des juges d’un système juridique, dispose nécessairement d’un pouvoir d’enquête inhérent à la fonction même de juger. En matière électorale, le Conseil constitutionnel tient sa compétence des articles 58 (élection du président de la République), 59 (élections législatives) et 60 (référendum de l’article 11 et processus de révision de l’article 89) de la Constitution. S’agissant des élections législatives qui sont en question ici, l’article 59 de la Constitution dispose : « Le Conseil constitutionnel statue, en cas de contestation, sur la régularité de l’élection des députés et des sénateurs. » Ainsi, statuer « sur la régularité de l’élection », comme le précise l’article 59 de la Constitution, suppose que le Conseil constitutionnel doit mettre en œuvre toute l’étendue son pouvoir d’enquête afin de rétablir lui-même la réalité des choses en vue de mettre une élection contestée hors de tout soupçon ou, au contraire, d’invalider celle-ci lorsque des doutes existent quant à la régularité du scrutin. Toute norme inférieure à la Constitution qui exprimerait une idée contraire ou qui ferait l’objet d’une interprétation contraire à cette norme constitutionnelle posée à l’article 59 de la Constitution est contraire à celle-ci et doit être considérée comme nulle et non avenue.

Pour cette décision n° 2017-5074/5089 AN montre que le Conseil constitutionnel a fait le choix de rester bien en deçà de sa compétence au sens où il n’a pas exercé toute l’étendue de son pouvoir d’enquête découlant de l’article 59 de la Constitution.

En effet, au paragraphe 9 de cette décision, le Conseil constitutionnel a constaté une première irrégularité tout en déclarant que « les requérants n’apportent aucune précision sur les fraudes et les atteintes à la sincérité du scrutin que cette irrégularité, à la supposer avérée, aurait permises. » Au paragraphe 10 de sa décision, le Conseil, après avoir constaté une seconde irrégularité, affirme : « Il n’est cependant ni établi ni même allégué que ces faits, à les supposer avérés, auraient empêché ces personnes de suivre les opérations de vote pour le compte de la candidate ou auraient porté atteinte à la véracité des mentions du procès-verbal. » Enfin, une troisième irrégularité constatée n’a conduit la Haute juridiction qu’à déclarer qu’« Aucun des autres faits décrits par les requérants en ce qui concerne les opérations de vote et de dépouillement dans ce même bureau n° 6, à les supposer établis, ne révèle de manquement aux prescriptions du code électoral. »

Au regard des termes de l’article 59 de la Constitution sus-rappelés, il est judicieux de se poser la question de savoir s’il ne revenait pas au Conseil constitutionnel de ne pas demeurer dans ces trois suppositions et, par le biais de son pouvoir d’enquête, de se donner les moyens de constater et de rétablir lui-même les faits et comportements irréguliers.

En outre, si les critiques soulevées par ces suppositions pouvaient paraître fondées au regard de leur caractère bénin, leur addition ne pouvait pas conduire le Conseil constitutionnel à n’en tirer aucune conclusion exemplaire, pas même symbolique, en faveur des requérants ; et ce d’autant plus que le Conseil a lui-même constaté qu’une irrégularité majeure portant sur 66 votes est bel et bien établie et non pas seulement supposée.

  1. Des critiques fondées sur le rejet pure et simple de la requête

 

Le Conseil constitutionnel a enfin conclu sa décision en ces termes : « Il résulte de tout ce qui précède que les requêtes de Mme AMRANI et M. RABATÉ et de M. ALBIGNAC doivent être rejetées.[9] » Compte tenu des cinq irrégularités constatées ci-dessus, la décision du Conseil constitutionnel paraît indéfiniment incompréhensible, et donc critiquable, au sens où il n’a tiré aucune conclusion allant dans le sens de la promotion du respect des règles relatives au bon déroulement des scrutins des élections nationales dont il a pourtant la charge de contrôler la régularité au regard de l’article 59 de la Constitution.

En effet, si le Conseil constitutionnel suivait à la lettre les termes de l’article 59 de la Constitution qui ne peuvent pas être plus clairs quant au rôle de contrôleur de la régularité du scrutin que le constituant lui confie, il aurait déclaré l’élection de M. Valls invalide car il est évident que celui-ci a manipulé des votes aux fins de supplanter ses adversaires. Le Conseil aurait donc dû déchoir M. Valls de son siège et de tous les droits que celui-ci lui a conféré entre le 18 juin 2017 et 8 décembre 2017, et, a fortiori, exiger un nouveau scrutin. Une telle décision aurait eu le mérite de ne pas voir une fois de plus dans le Conseil constitutionnel davantage un organe politique qu’un organe juridictionnel.

CONCLUSION

 

Enfin, au-delà de l’analyse purement juridique, cette décision pose une question politique au regard de la posture médiatique de la personne dont l’élection est contestée et de sa considération dans la population française. En effet, pour un ancien Premier ministre de la France, cette décision du Conseil constitutionnel n’est pas une victoire. Certains diraient plutôt que c’est une honte qu’un ancien Premier ministre ait besoin de se battre autant, jusqu’à remettre en jeu la régularité d’un scrutin, pour se faire élire en vue d’un simple siège de député dans sa propre ville dont il a été maire. Dans ce contexte, M. Valls a beau commenté cette décision en déclarant : « Je n’en suis pas surpris, tant il était évident que les accusations grossières de fraude électorale (...) ne reposaient sur rien[10] », personne n’est dupe ; la requête était fondée tant en droit qu’en fait ; si le Conseil constitutionnel fut autrement composé, c’est-à-dire composé de juristes et non d’anciens hommes et femmes politiques ou d’agents administratifs, les requérants auraient pu avoir gain de cause ; il restera dans l’esprit de tout individu doté de bon sens que l’élection de M. Valls fut obtenue par le truchement de nombreuses irrégularités assumées par son équipe de campagne, donc, a fortiori, par lui-même, constatées par le juge constitutionnel et faisant tâche sur son honnêteté même.

 

[1] Décision n° 2017-5074/5089 AN du 8 décembre 2017. A.N., Essonne (1ère circ.), Mme Farida AMRANI et autres.

[2] Ibid., §. 9.

[3] Ibid.

[4] Ibid., §. 10.

[5] Ibid., §. 11.

[6] Ibid., §. 14.

[7] Ibid.

[8] Ibid., §. 15.

[9] Ibid., §. 16.

[10] « Législatives : le Conseil constitutionnel valide l’élection de Manuel Valls, contestée par une candidate de La France insoumise », France info, 8 décembre 2017.

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