Actualités constitutionnelles

Validation sous réserve par le Conseil constitutionnel de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public

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Validation sous réserve par le Conseil constitutionnel de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public

Par sa décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022[1], le Conseil constitutionnel, sur le fondement de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui pose le principe de la liberté d’expression et de communication, valide la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, mais avec une sérieuse réserve.

Pour justifier sa décision validant la suppression décidée par le législateur, le Conseil constate que « le produit de la contribution à l’audiovisuel public [est remplacé] par une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée » (§24). Pour lui, cette nouvelle source de recettes pour les organismes chargés de la communication audiovisuelle publique compense la suppression de la contribution jusque-là payée par les seuls contribuables disposant d’un poste de télévision chez eux.

Cependant, le juge de la rue de Montpensier a émis une réserve importante qui encadre et oriente sévèrement les futurs choix du gouvernement et, en définitive, du législateur à partir du 1er janvier 2023, quant au financement des services de l’audiovisuel public qui doivent rester libres de toutes pressions, publiques comme privées. En effet, la plus haute juridiction française précise : « Il incombera au législateur, d’une part, dans les lois de finances pour les années 2023 et 2024 et, d’autre part, pour la période postérieure au 31 décembre 2024, de fixer le montant de ces recettes afin que les sociétés et l’établissement de l’audiovisuel public soient à même d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées. » (§30). Et c’est seulement « Sous ces réserves [que] les dispositions contestées ne méconnaissent pas les exigences résultant de l’article 11 de la Déclaration de 1789. » (Ibid.). Autrement dit, on l’aura compris, le prochain projet de loi de finances pour 2023, qui va être déposé dans les toutes prochaines semaines, le législateur, et d’abord le gouvernement, devront fixer le montant des recettes qu’apportaient la contribution à l’audiovisuel public afin de la compenser de manière pérenne.

Pour autant, il faut comprendre que cette réforme pénalise particulièrement les consommateurs et les ménages modestes qui, désormais, même s’ils ne disposent d’aucun poste de télévision à leur domicile, vont, à travers la taxe universelle sur la valeur ajoutée (TVA), devoir contribuer à financer des émissions qui ne représentent que les intérêts des élites politiques et économiques, loin des préoccupations de la masse des consommateurs et citoyens qui luttent au quotidien pour boucler leur fin de mois. Cette réforme est donc, avant tout, une injustice de plus dans un contexte où le gouvernement a refusé d’augmenter les revenus modestes (SMIC) à 1 500 euros par mois pour compenser l’inflation grandissante.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a beau précisé que « les auditeurs et les téléspectateurs, qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11, doivent être à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions » (§26), on sait que les émissions du service public audiovisuel sont bien souvent sous pressions, comme l’a montré l’interdiction de diffusion d’enquêtes, produites notamment par Off Investigation, qui pouvaient nuire à « l’image » d’Emmanuel Macron à l’aube de la campagne présidentielle de 2022[2]. Le même constat a été fait s’agissant de la presse écrite, comme avec Le Monde qui a dû censurer une tribune sur Emmanuel Macron en Algérie fin août 2022 parce qu’elle ne plaisait pas au président[3]. Sur ce point, on se souviendra aussi de l’enquête d’Off Investigation qui montre le double jeu d’Emmanuel Macron en 2010 pour permettre au même groupe Le Monde de passer sous la domination de milliardaires proches de Nicolas Sarkozy alors président de la République soucieux de sa réélection mal engagée en 2012[4]. Cette mise sous pression des canaux d’information et de la presse en général a été confirmée par le témoignage de l’un des créateurs d’Off Investigation, Jean-Baptiste Rivoire, qui explique les difficultés de ce média en ligne à se diffuser librement sur YouTube[5].

Face à ces considérations très pratiques, cette décision du Conseil constitutionnel, aussi protectrice de la liberté de communication du secteur de l’audiovisuel public qu’elle puisse paraître, relève davantage d’un raisonnement purement théorique dont il conviendra de suivre les conséquences concrètes dans les années à venir.

Mercredi 24 août 2022

(Maj le dimanche 4 septembre 2022)

 

 

[1] Décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022, §§20-31. Loi de finances rectificative pour 2022.

[2] « Des révélations sur Macron menacées de censure », Le Media, 4 décembre 2021, https://www.off-investigation.fr/des-revelations-sur-macron-menacees-de-censure/, Consulté le 23 août 2022.

[3] « ‘Le Monde’ accusé de censure après avoir retiré une tribune sur Macron en Algérie », L’Obs, 2 septembre 2022, https://www.nouvelobs.com/teleobs/20220902.OBS62691/le-monde-accuse-de-censure-apres-avoir-retire-une-tribune-sur-macron-en-algerie.html, Consulté le 4 septembre 2022.

[4] « Le Monde, Macron agent double », Off Investigation, épisode 2, https://www.youtube.com/watch?v=3mnmNsjGVWw, Consulté le 4 septembre 2022.

[5] « Pourquoi l’épisode n’est plus disponible !? », https://www.youtube.com/watch?v=UNoj4a1wOhU, Consulté le 4 septembre 2022.

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